« Eispavillon »

par Eric de Chassey, Art Press, no. 295, novembre 2003

Il est des lieux où il est difficile pour les artistes de lutter à armes égales avec l’environnement. L’art contemporain s’est souvent complu à se confronter aux friches industrielles et autres non-lieux, beaucoup moins à ces endroits que l’art du passé nous désigne par avance comme chefs-d’œuvre de la nature. Saas-Fee, petite station dominée par des masses glaciaires et des sommets enneigés, est sans conteste de ceux-ci et plus encore la grotte de glace située à plus de 3000 m que les deux curatrices de Eispavillon – Eveline Notter et Rachel Ward - avaient décidé d’investir pour l’été. Certains de leurs invités jouaient en amont de la confrontation. Ainsi Tobias Wong proposait-il un baume anti-gerçures griffé Prada mais encapsulé et Ken Courtney des affiches au contenu soi-disant politique, comme si le paysage sublime n’était qu’un produit touristique à rapprocher de ceux plus communs de la mode et de la publicité. Ainsi le collectif allemand saasfee* exposait-il des tee-shirts et des caissons lumineux à son sigle au milieu des objets de la boutique de souvenirs qui précède l’entrée de la grotte. Avec plus de subtilité, sur un CD à écouter dans le téléphérique menant au sommet, Adam Schary, résident d’une Los Angeles moins pittoresque, livrait ses réflexions désabusées sur l’impossibilité de rivaliser avec la beauté de la nature. Quant à Olivier Mosset, en exposant au cœur même de la grotte une version taillée dans la glace de ses « toblerones », il faisait la démonstration de l’extraordinaire plasticité de cette forme (on pouvait en voir en même temps deux présentations déjà fort différentes dans le cadre de sa double exposition personnelle dans les musées de Lausanne et de Saint-Gall). Au dérisoire d’une défense impossible (la forme est reprise de celle des barrages antichars semés en Suisse pendant la guerre, qui n’eurent à affronter aucun envahisseur et seraient bien en peine de devoir le faire au fin fond du Valais) s’ajoutait ici l’ironie d’une possible monumentalité (la forme est une œuvre sculpturale singulière, quoique au même titre que les mannequins costumés et autres objets kitsch qui peuplent la grotte), sans oublier l’aspect étonnamment tendre que la glace lui donnait en laissant voir des irisations délicates, incitant bien des visiteurs à la caresser, à y laisser l’empreinte de leurs mains – la rendant ainsi peu à peu à son origine liquide.

_______________________________________________________________________ « Kunst in der Eisgrotte, Sommeraustellung in Saas-Fee »,
Walliser Bote, Samstag, 21. Juni 2003

Im Eispavillon zu Saas Fee ist am Freitag eine internationale Kunstaustellung eröffnet worden: Kunstschaffende aus den USA, der Schweiz und Deutschland zeigen hier bis Ende August ihre Werke. So schmückt der Schweizer Künstler Olivier Mosset die Eisgrotte mit einer « Toblerone aus Eis », während das « Kollektiv Saas Fee » mit einer Installation aufwartet. Adam Schary aus Los Angeles zeigt ein « Projekt für Luftseilbahnen während die New Yorker Tobias Wong und Ken Courtney ebenfalls mit anregender Kunst vertreten sind. Die Werkschau in kühler Umgebung dauert bis zum 30. August und ist Interessierten täglich zwischen 8.30 und 16.00 Uhr zugänglich.

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« L'art prend le frais entre Saas Fee et Môtiers »
par Emmanuel Grandjean, La Tribune de Genève, samedi-dimanche 21-22 juin 2003

Un pull chaud, une lampe à acétylène et de quoi bivouaquer. Gasp! Irions-nous au Sptizberg ce week-end ? Presque. Cette semaine, on vous ballade pas loin du Cervin. Plus précisément à dix mètres sous le glacier de Saas Fee. C'est là, dans "la plus grande grotte artificielle du monde ", qu'Eveline Notter et Rachel Ward organisent leur exposition Eispavillon (www.eispavillon.com). Et à part les stalactites gelées, qu'y montre-ton ? Des travaux signés Adam Schary, Tobias Wong, Ken Courtney et du collectif Saas Fee qui, contrairement à son nom, vient d'Allemagne. Sans oublier le Toblerone en glace d'Olivier Mosset. Ce dernier profite en ce moment d'une actualité chargée. L'artiste présente une formidable double rétrospective à Lausanne et Saint-Gall. Il compte également parmi les plasticiens invités à Môtiers 2003 (www.motiers2003.ch) dont le vernissage se déroule à l'heure où vous lirez ces lignes. Cet accrochage en plein air organisé lorsque les finances le permettent, prend pour cadre un morceau bucolique de la vallée du Jura. Dès aujourd'hui et jusqu'au 21 septembre, ils sont donc une soixantaine à exposer entre forêt et cascade leurs travaux d'été. Citons la famille des sculpteurs bernois Luginb¸hl quasi au grand complet, John Armleder, Iganizio Bettua, Günther Förg, Vincent Kohler, Fabrice Gygi et on en passe. Quittons les verts pâturages pour les bords du Léman. Vendredi prochain, L'Hermitage met en effet Frantisek Kupka à son affiche. Une rareté à ne pas manquer.

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« Kunst im Eispavillon »,
Gletscher-Post (Gemeinde Saas-Fee), Juli 2003

Noch bis zum 30. August 2003 präsentieren Künstler in der weltgrössten Eisgrotte ihre innovativen Werke. Zu sehen sind u. a. eine « Toblerone in Eis » des Schweizers Olivier Mosset oder eine Installation des Teams saas-fee collective. Witziges Werbematerial schufen Tobias Wong und Ken Courtney, das im Eispavillon sowie an der Art Basel verteilt wird. Die Austellung ist täglich von 8.30 bis 16.00 Uhr geöffnet. www.eispavillon.com

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« Editorial »
par Françoise Ninghetto, Kunst-Bulletin, no 7-8, juillet-août 2003

Venise sera, bien sûr, de toute manière, un moment de plaisir estival. Mais pourquoi ne pas faire, aussi, quelques détours. Certains promettent, outre la ballade, de jolies découvertes. Dans le Val-de-Travers, Môtiers ‹art en plein air› (du 21 juin au 21 septembre) annonce une longue liste de noms qui incite à enfiler ses baskets pour suivre le parcours forestier (www.motiers2003.ch). Un saut de puce peut nous conduire à Porrentruy où l’Espace d’art contemporain accueille Luciano Fabro et la ‹Casa degli artisti›, un lieu où, à Milan, Luciano Fabro favorise les expériences artistiques des jeunes artistes et les débats au sujet de l’art. À Porrentruy, l’exposition débordera les Halles pour s’installer dans les jardins et les vitrines des magasins (du 12 juillet au 31 août, tél. +41 32 433 46 79). Changeons d’horizon, une grimpette à Saas-Fee, pour prendre le frais dans le ‹ Eispavillon › de la plus célèbre montagne helvétique: tourisme et art seraient-ils partenaires? (du 22 juillet au 30 août).

Inventez-vous un autre détour: l’île de Vassivière en Limousin (à 60 km à l’est de Limoges, sur l’axe Clermont-Ferrand/Limoges) où le Centre national d’art et du paysage ne nous invite pas seulement à une très jolie promenade mais à réfléchir à notre idée du paysage ‹campagnard› qui ne correspond plus à la réalité d’une nature qui s’est transformée. ‹Regarde, il neige (schizographie de la vie quotidienne)›, du 5 juillet au 5 octobre, tél. +33 5 55 69 27 27.

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« La plus grande grotte de glace du monde »
par Elisabeth Chardon, Le Temps (Rubrique: temps fort), jeudi 31 juillet 2003

D'une exposition d'art contemporain à un Mickey de glace en train de fondre, on trouve de tout à l'« Eispavillon » de Saas Fee.

La station haut-valaisanne de Saas Fee est lovée dans un grandiose cirque de montagnes. Des langues de glace pendent le long des sommets, si chargées des poussières, pollens et autres pollutions digérées pendant des siècles, voire des millénaires, qu'elles se confondent avec la grisaille des rochers. Sur les flancs d'un de ces sommets, l'Allalin, un glaciologue, Benedikt Schnyder, a eu l'idée de creuser «la plus grande grotte de glace au monde», avec ses 71 mètres de labyrinthes.
Le nom d'Allalin viendrait de l'arabe Ala-l'Aïn, signifiant la source, et serait, comme d'autres noms locaux, une trace des Sarrasins. Cet été, une carte postale – avec une citation de Benedikt Schnyder, «Un glacier ne ment ni n'oublie jamais» – a été très largement diffusée pour annoncer dans ce lieu une exposition d'art contemporain. Une raison de plus pour aller découvrir ces hauteurs. Depuis Saas Fee (1800 mètres), il suffit de prendre deux téléphériques et un funiculaire souterrain pour se retrouver à Mittelallalin. Et voilà votre organisme qui tente de s'adapter à une altitude de 3500 mètres et à une chute de température d'une bonne quinzaine de degrés. Vous êtes alors bien content d'avoir pris un petit pull pour que votre tenue estivale paraisse moins saugrenue au milieu des surfeurs venus s'offrir quelques plaisirs de glisse à contre-saison.
L'entrée de la grotte est située dans un magasin de souvenirs. On paye, on passe le tourniquet et on descend dans le tunnel de glace. Partout, des écriteaux préviennent: « Vous êtes en altitude, ne faites pas de mouvements brusques. » Ce jour-là, le thermomètre annonce un petit degré. C'est déjà trop pour la glace, qui fond. L'art contemporain est signalé tout en bas. En route, on admire des jolis cristaux de roches et autres pierres semi-précieuses dans des vitrines, on lit des statistiques sur les chutes en montagne. Arrivés dans la petite salle d'exposition, presque remplie par un glaçon géant – un « Toblerone » de l'artiste suisse Olivier Mosset, on entend la musique planante distillée par les « ambianceurs » allemands de Saas Fee, un collectif évidemment invité à cause du nom qu'il s'est choisi. A la boutique, ses t-shirts, cartes postales et masques pour dormir au design futuriste tranchent avec la «kitscherie» désordonnée du lieu.
L'Eispavillon accueille en effet un incroyable mélange de styles que l'exposition d'art contemporain se plaît à souligner encore, au risque de se perdre à son tour dans la confusion. Les interventions didactiques sur les glaciers (panneaux, mannequins...) se mêlent à une publicité pour un vin valaisan, un Mickey en glace défiguré par la fonte ou encore des étoiles fluorescentes censées plaire aux enfants. Dans une chapelle, il est même possible de se marier ou de renouveler ses vœux. Des artistes locaux y exposent des peintures sur glace, inspirées du travail coloré du vitrail, et des céramiques. Quand on refait surface, on peut se réchauffer au soleil sur la grande terrasse du self-service, admirer la vue magnifique et les choucas, ou aller s'installer dans «le plus haut restaurant tournant du monde». On est décidément au pays des records!

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